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Revenons un tant soi peu à l’époque ou Sega et Nintendo se livraient une bataille sans merci pour la domination du marché vidéo-ludique : le milieu des années 80. Une époque ou Sega n’existait d’ailleurs pas seulement en tant qu’éditeur, comme aujourd’hui, mais aussi et surtout en tant que constructeur. A cette époque, Nintendo dominait déjà très nettement l’industrie grâce à l’arrivée en 1985 du plombier moustachu Mario sur sa première console de salon la Famicom (Nes chez nous), dont le premier épisode Super Mario Bros reste d’ailleurs à ce jour le jeu vidéo le plus vendu au monde avec + de 40 millions d’unités (Wii Sports à part). Bien décidés à s’octroyer une part du gâteau, les industriels de chez Sega contre-attaquent en créant eux aussi une mascotte capable de fédérer une communauté de fans autour de leur toute première console d’alors – la Sega Master System – : Alex Kidd !
Bien avant que Sonic ne vienne lui voler la vedette sur les consoles de Sega, l’arrivée d’Alex Kidd montrait déjà la volonté de Sega d’avoir lui aussi une mascotte ambassadrice de sa marque. Créé de toute pièce par un certain Ossale Kohta (plus connu sous le nom de Kotaro Hayashida) et assisté notamment de Rieko Kodama, cadre important de l’époque. Le mignonet petit Kidd avait pour but d’être l’image commerciale de Sega et de devenir en quelque sorte l’équivalent de Mario pour Nintendo : Une mascotte à l’identité forte dont le seul nom serait un énorme catalyseur de ventes. C’est donc à cette période que la fonction de killer app – notion non négligeable pour tout bon constructeur/éditeur qui se respecte souhaitant vendre beaucoup de consoles – commence à faire son chemin.
Le Kung-fu a le vent en poupe dans les annes 80, il est donc décidé que notre héros serait un champion d’arts martiaux, discipline popularisée en partie par le grand maître décédé de la discipline Bruce Lee et les nombreux films ou ce dernier apparaît au cours de la décennie précédente. L’apparence physique du héros, « mi-singe mi-enfant » aux grandes oreilles et à la salopette rouge, quant à elle, semble plutôt inspirée par le jeune Sangoku de Dragon Ball : Quelques traits communs de caractère et de comportement coexistent chez les deux : Il n’y a qu’a voir l’allure de glouton d’Alex en fin de niveau lorsqu’il dévore un bol de riz ou un hamburger (chez nous) dans Alex Kidd in Miracle World pour s’en convaincre ! L’apparence de singe d’Alex rappelle également celle de Sangoku lorsqu’il se transforme en gorille Saïyen géant. Les prouesses en arts martiaux des deux protagonistes, mais également leurs origines mysterieuses et le fait qu’ils soient tous deux orphelins sont autant d’autres similitudes qu’ils partagent. Les arts martiaux sont également au cœur du système de jeu d’Alex Kidd in Shinobi World, empruntant et composant librement avec l’univers du célèbre ninja le temps de ce cross-over, qui marquera aussi la fin de la licence Alex Kidd en 1991.
Identité et particularités de gameplay
Dans sa première apparition officielle en 1986 (Alex Kidd in Miracle World ) Alex Kidd part à la rencontre du méchant Janken le Grand, qui menace de prendre d’assaut le paisible royaume ou vit Alex : Radaxian. Sa technique de « grossissement du poing », visible lors de la seule attaque physique disponible dans le jeu, est le fruit de sept années d’entraînement intensif au sommet d’une montagne… exil d’ermite qui procure sans doute à notre ami la force et le courage nécessaires pour se lancer dans cette entreprise de sauvetage du royaume.
Le gameplay de ce premier opus réalisé par Ossale Kohta s’oriente largement vers le genre plate-forme, mâtiné d’un léger zeste de RPG car il est possible d’acheter des objets et power-ups dans des boutiques grâce aux sacs d’argent récoltés le long des niveaux et de les utiliser au cours de l’aventure pour se faciliter la progression. Cela n’est d’ailleurs pas de trop, tant la difficulté s’avère corsée : 3 vies seulement et aucun continue pour voir le bout des aventures de l’enfant-singe ! Si on passe l’essentiel de son temps à défiler à pieds dans des niveaux au scrolling vertical ou horizontal, Alex peut également piloter des motos, des hors-bords ou des hélicoptères pour aller plus vite et terminer les niveaux en un temps record. Mais attention, un seul contact avec l’ennemi et vous devrez terminer le niveau à pieds. Et un contact supplémentaire une fois sur le plancher des vaches et c’est la mort assurée : Alex se transforme alors instantanément en ange et rejoint le paradis de Radaxian, accompagné d’une petite musique tristounette.
Il faut dire que la maniabilité est du genre délicate, la faute a une certaine latence dans les déplacements et les coups, mais aussi parfois des problèmes de masque de collision pénalisants des ennemis rendant l’exercice de combat au corps à corps quelque peu périlleux. Pour ce qui est de l’univers sonore, voici assurément l’un des points forts de ce premier épisode, qui propose des musiques bien composées en accord parfait avec les situations et les environnements traversés. Le thème principal est de très bonne facture et reste en tête une fois la console éteinte, ainsi que la petite musique lors des combats de Janken (pierre-feuille-ciseaux).
Je n’ai d’ailleurs toujours pas évoqué plus précisément ces fameuses parties de Janken (chifoumi), la particularité de gameplay de cet épisode fondateur de la série – et plus tard repris dans Alex Kidd in the Enchanted Castle – , qui propose de manière plutôt originale d’affronter les grands méchants de fin de niveau dans ce mini jeu, en lieu et place d’un combat pur et simple comme dans presque toutes les productions de l’époque (et même d’aujourd’hui). Il faut donc choisir entre pierre, feuille ou ciseaux durant la petite musique d’attente et comparer le résultat avec celui de l’adversaire à la fin du décompte : déconcertant de prime abord, mais efficace et bienvenu pour apporter un peu de fraîcheur au genre. Au passage, c’est aussi cette technique du Janken que Sangoku utilise pour battre Yamcha en duel dans les premiers épisodes du manga Dragon Ball, paru quelques années plus tôt. Encore un élément qui montre que cet épisode a peut être été inspiré par l’oeuvre d’Akira Toriyama !
Le jeu remporte un grand succès, notamment parce qu’il se voit directement intégré dans la Sega Master System II, version un tantinet modernisée de la console commercialisée à partir de 1990. Il suffit alors de démarrer la machine sans cartouche dedans pour qu’Alex Kidd in Miracle World se lance instantanément ! Cet épisode est devenu avec le temps un mythe de la plate-forme 8 bits, ni plus ni moins.
Suite des aventures en demi-teinte
Malgré ce premier épisode plein de fraîcheur et promettant un avenir radieux à la saga, la suite des pérégrinations de notre héros ne va pas exactement se passer comme prévu : Les épisodes commencent logiquement à pleuvoir suite au succès commercial mérité de Miracle World, mais la qualité très irrégulière de ces derniers pousse malheureusement lentement mais sûrement la série vers une fin de vie précoce. Une suite peu inspirée voit d’abord le jour en 1988 au Japon ; Alex Kidd : The Lost Stars. Cet épisode n’a rien d’exceptionnel et se paiera même le luxe d’être globalement moins bon que son aîné, en plus d’une durée de vie plus courte avec seulement 6 niveaux au compteur. Il ne s’agit pas d’un mauvais jeu, mais l’orientation résolument « kids » déconcerte quelque peu, à tel point qu’on se demande si la conception de cet opus a été motivée par autre chose que l’appât du gain en visant un public aussi jeune. Une suite sans saveur, réalisée dans la précipitation et qui au final s’avère décevante pour les fans de la première heure. Il avait le potentiel de succéder dignement au premier opus avec un peu plus de sérieux de la part de ses développeurs.
Que dire aussi d’Alex Kidd in High-Tech World, qui n’est même pas originalement un épisode à part entière de la série puisqu’il est en fait une version modifiée du jeu Anmitsu Hime, sorti sur Master System et tiré du manga du même nom ! Il contient lui aussi des éléments RPG et il faudra explorer un château gigantesque rempli de puzzles avec de nombreux items a la clé…dans le simple but de trouver la salle d’arcade High-tech World pour jouer aux dernières nouveautés estampillées Sega ! On a vu mieux comme placement produit, avouez. On peut donc lui conférer un caractère d’épisode spécial, car il reprend les codes et les fondamentaux d’un univers différent et ne fait jamais mention de personnages originaux de la saga. Cela n’est pas la première fois que ce genre de chose se produit dans le jeu vidéo : Souvenez vous le « vrai-faux » épisode de Super Mario Bros 2 sorti chez nous, qui avait été adapté à la va vite pour le public occidental en raison de la difficulté de Super Mario Bros : The Lost Levels (le vrai Super Mario Bros 2 au Japon) en plagiant point par point le jeu Yume Kōjō: Doki Doki Panic (et en remplaçant les textures des personnages par ceux de l’univers Mario, bien entendu).
Passons également très vite sur Alex Kidd : BMX Trial, véritable spin-off pour le coup, qui n’a tout simplement rien à voir avec un Alex Kidd traditionnel (bien qu’il ait été lui aussi développé par Ossale Kohta, le papa de l’épisode original) puisqu’il s’agit d’un jeu de course de vélo dans lequel il faut esquiver pièges et ennemis pour arriver à bon port. Le soft ne voit le jour qu’en Asie, sur la version nippone de la machine (la SG-1000 Mark III pour la petite histoire) car il nécéssite l’utilisation du Sega’s Paddle Controller, sorti uniquement sur ce territoire. Une réalisation tout de même honnête, mais un opus sans grand intérêt si ce n’est prolonger l’experience de la licence dans un autre genre.
Il faudra attendre 1989 pour que la série débarque sur Megadrive avec l’épisode Alex Kidd in the Enchanted Castle. Une fois encore, c’est la déception qui attend le joueur au tournant : non seulement le jeu ne profite pas des capacités techniques de la nouvelle machine de Sega, pourtant nettement plus puissante que son aînée, et accouche de graphismes moches et vides de détail. La jouabilité n’est pas en reste et se contente de singer le jeu d’origine en proposant même de nouvelles mécaniques de jeu bancales, presque impossibles à maîtriser (le coup de pied). Le soft réussit le tour de force de tout faire moins bien que l’opus fondateur de la saga, sorti pourtant 3 ans plus tôt sur Master System ! Un ratage complet qui compromet encore un peu plus l’avenir de la saga, désormais directement menacée par le hérisson bleu qui se profile à l’horizon dans la maison-mère de Sega.
Le chant du cygne
Heureusement, un dernier coup de maître vient sauver la série d’un marasme total grâce à l’excellent Alex Kidd in Shinobi World, sorti en toute fin de vie de la Master System en 1991. Considéré par certains comme étant un spin-off, je considère pour ma part qu’il mérite sa place au sein de la ludothèque principale de la série, bien qu’il propose un gameplay sensiblement différent des autres épisodes de par le côté parodique qu’il propose.
Le jeu s’avère être un cross-over réunissant les mondes de Shinobi (autre licence forte de Sega, dont le premier épisode voit le jour en 1987) et d’Alex Kidd, comme son nom l’indique d’ailleurs parfaitement. On salue l’opportunisme bienvenu de Sega d’avoir brillamment mélangé deux univers qui n’avaient a priori rien a voir pour les fondre dans un ensemble cohérent, rendant à la fois hommage au ninja Joe Musashi dans un jeu fun et intuitif, et proposant à Alex Kidd une porte de sortie digne de ce nom. Il est amusant de constater qu’une fois encore, ce jeu n’avait à la base que peu de rapport avec Alex Kidd, dont ce dernier n’a été le héros « par intérim » que parce que le développement de Shinobi Kid a été annulé, puis réorienté finalement en cours de route pour aboutir à Alex Kidd in Shinobi World. On va vraiment finir par croire qu’Alex Kidd est le fils mal aimé de la grande famille Sega à force ! Beau, amusant, coloré et très bien animé pour le support, cet épisode final lave miraculeusement l’honneur d’Alex en même temps qu’il scelle à jamais ses aventures au profit de Sonic The Hedgehog, qui débarque la même année sur Megadrive et Master System. Sonic signe le renouveau d’un constructeur qui se cherche une meilleure place au soleil en occident et souhaite dynamiser son image en proposant à son public un héros symbolisant vitesse et puissance : Alex Kidd aura servi un temp, mais son côté enfantin est désormais désuet, et son image n’est pas assez porteuse dans le reste du monde : il est temps pour Sega d’entrer dans une nouvelle ère de son histoire. Si Alex Kidd représente l’enfance, Sonic marque définitivement l’entrée de Sega dans l’adolescence.
Et maintenant ?
A ce jour, aucun épisode officiel n’est sorti depuis 1991. Pour le coup, c’est bien plus qu’une licence qui a été «oubliée» ici, car Alex Kidd, qui ne fut rien de moins que la première mascotte de la firme americano-japonaise se retrouve totalement à l’abandon ou presque depuis de plus de deux décennies maintenant. Il est fort dommage de voir que « le Kidd » n’a jamais eu ne serait-ce qu’une seule chance de tenter l’aventure 3D en solo. Les seules apparitions du personnage ne sont plus qu’anecdotiques et relèvent du simple caméo ; ainsi on peut apercevoir Alex Kidd dans le jeu Segagaga (2001, exclusif au Japon, Dreamcast) en vendeur d’onigiris (les boulettes de riz qu’il mange à la fin des niveaux) mais aussi dans Sega Superstars Tennis en 2008 (Wii) et enfin Sega & All-Stars Racing et Sega & All-Stars Racing Transformed (respectivement 2010 et 2012 sur PC, PS3 et 360).
Ossale Kohta, le game designer de l’épisode original, aura également travaillé sur le scénario de Phantasy Star – sorti un an après Alex Kidd in Miracle World, soit 1987 – mais aussi en tant que game planer sur Space Harrier II, sorti lui aussi sur Sega Master System en 1988. Sa dernière participation connue dans le jeu vidéo remonte à l’année 2000, via son rôle de réalisateur et scénariste sur le très moyen GunGriffon : Blaze.
Par Sébastien Beuffre